Entouré de ses fidèles lieutenants, ainsi que du seul et l’unique membre du gouvernement encore acquis à sa cause, le ministre de la Refondation de l’État, Ibrahim Ikassa Maiga, Choguel Maïga, au détour du vocable de «clarification», en a profité pour dénuder littéralement la Transition en levant tous les coins du voile sur ses tares les plus rédhibitoires. Les révélations du PM mettent notamment à nu le dysfonctionnement sur fond de totalitarisme qui affecte l’État au plus haut sommet. En atteste, selon ses dénonciations, l’amertume sur lui ont laissé les circonstances de la prolongation du délai. Fixée à 24 mois à compter du 26 mars 2022 par décret N°2022-0335/PT co-signé par le Président de la Transition et le Premier ministre, la Transition et censée prendre fin le 26 mars 2024, sera unilatéralement rallongée sine die, «sans débat au sein du Gouvernement», s’est-il insurgé.
Le PM de la rectification s’offusque par ailleurs de ne l’avoir appris que par les rumeurs et les médias et se plaint d’être ainsi réduit à se contenter des rumeurs de la presse ainsi qu’à l’interprétation «des faits et gestes du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation». Le Gouvernement n’a non plus aucune information sur le programme ni le plan d’actions de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections, a-t-il renchéri, en rappelant que la création et la mise en place de cet organe fait partie des exigences majeures du peuple malien dans l’avènement du Mali Kura. Et de fustiger au passage la procédure ayant abouti à la nomination de l’actuelle équipe dirigeante de l’AIGE, dont le contrôle lui avait filé entre les doigts depuis le désaveu essuyé au CNT lors du vote de la loi électorale. Le PM serait-il dans la logique d’un départ imminent ou d’une rébellion contre une couleuvre mal avalée ? En dit long, en toute cas, son insistance sur la modification du texte original de l’AIGE proposé par gouvernement au gré des tendances opposées à la transition, allusion faite vraisemblablement à ses adversaires du CNT.
En dépit de subir tant d’humiliation et des sevrages budgétaires, d’être ravalé à une position de figurant au sein d’un gouvernement – dont il est censé coordonner les actions -, Choguel Maïga préfère visiblement la délation à la démission en décidant de mettre les pieds dans le plat sur l’impéritie caractéristique des relations inter-institutionnelles. Ladithyrambe alchimique habituelle sur la Transition et ses prouesses a ainsi subitement laissé la place aux diatribes sur fond de menaces et mises en garde à peine voilées. Tel un Cassandre, la tendance actuelle de la Transition inspire moins de perspectives et d’espoirs au Pm de la clarification qu’à celui de la rectification et incarne plus la recrudescence de l’insécurité que l’effectivité de l’intégrité territoriale, en dépit de la reprise de Kidal.
«Nous étions bien partis, forts de l’appui de la Nation toute entière. Nous étions un modèle. Aujourd’hui, nous sommes en passe d’être dépassés», a déploré le président du M5-RFP en prévenant de ne pas se méprendre sur la retenue de son mouvement en l’assimilant à une peur, à l’ignorance ou au défaut de vigilance. Selon le chef du Gouvernement, c’était tout simplement par loyauté à un certain pacte d’honneur scellé entre l’ex-CNSP et le Comité Stratégique du M5-RFP, en 2021, pour rectifier la trajectoire de la Transition. Le mutisme, selon lui, s’expliquait en outre par la crainte que «les tiraillements et désaccords politiques à Bamako n’aient un écho ou un impact négatif sur le moral des FAMa engagées sur le champ de l’honneur et l’image et la réputation internationale du Mali entre autres. Ainsi, celui qui ne serait pas retenu de renverser un régime démocratique élu se soucie étrangement de la réputation du Mali à l’international ainsi que du moral des troupes.
Et alors qu’il a toujours magnifié la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales de la Refondation sont en cours, Choguel Maïga soutient que les résolutions desdites assises sont reléguées aux calendes. Il en veut pour preuve les attentes déçues quant à réduction du nombre des partis politiques réclamées par les ANR, en révélant la délivrance de plus d’une centaine de récépissés de partis politiques depuis 2021. Et de voir derrière la multiplication des formations politiques une manœuvre pour entretenir la confusion. «Plus il y en aura, plus il sera loisible de les manipuler», a-t-il lancé, apparemment en direction du ministre chargé de l’Administration Territoire, son potentiel remplaçant à la tête du gouvernement.
Et depuis deux ans, au demeurant, soutient-il, «le spectre de la confusion et de l’amalgame plane sur la Transition, avec à la clé «les risques de graves remises en cause et de retour» aux pratiques que le peuple a combattues sous le régime défunt. Le PM a somme toute manqué l’occasion de rentrer dans l’histoire. Et pour cause, il aurait pu profiter de cette sortie pour rendre le tablier. Mais le rendez-vous de clarification aura laissé ce goût d’inachevé à ceux qui sont convaincus qu’on ne rentre pas dans l’histoire en chialant et à coups de jérémiades. En définitive, ses gesticulations lyriques n’auront été utiles qu’à mettre sous le boisseau les réalités vécues par ses concitoyens sur lesquelles mot n’a été pipé ou presque tout au long de la rhétorique soporifique : la crise énergétique et ses implications multiples, les déplacements massifs de ses concitoyens chassés des contrées du Centre, la flambée des prix, les routes impraticables qui plombent l’économie, les préparatifs et conséquences de notre sortie de la CEDEAO, les victimes d’inondations. La clarification s’est résumée en définitive en règlement de comptes personnels et le Pm semble se chercher au point d’oublier les missions régaliennes d’un chef de gouvernement.
Reste à savoir la réaction qui sera réservé à son audace de rompre avec la vassalité que le PM a tant décrié au passage, après le défilé de hauts responsables de la Transition chez le mentor spirituel commun, le Cherif de Nioro, visiblement pour le prendre à témoin pour uns ou pour avoir des assurances les autres.
Amidou Keita
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