C’était le Rubicon qu’il ne fallait pas franchir pour s’épargner le limogeage qu’une certaine opinion attendait depuis l’adhésion assumée de la Primature au foudroyant Mémorandum du M5 et l’arrestation de proches au nez et à la barbe du locataire des lieux. Ainsi, en dépit du pacte d’honneur dont il est seul à se prévaloir, le président du Comité Stratégique a peut-être échappé de peu au même sort qu’avaient connu certains de ses prédécesseurs en délicatesse avec les militaires. Mais, quoique remercié sans le moindre remerciement, la discourtoisie à son égard n’est en rien comparable à la brutalité infligée à un certain Cheick Modibo Diarra ou Moctar Ouane. Son départ de la Primature reste néanmoins un pied-de-nez, au regard de son remplacement par la même personne avec laquelle une sournoise rivalité est entretenue depuis la fin de la période intérimaire au sommet du gouvernement et l’avènement d’un ministre d’Etat.
Le retour aux fonctions de PM du ministre de l’Administration sortant, puisqu’il s’agit de lui, intervenu seulement quelques heures après la rupture d’avec de Choguel Maïga, marque par ailleurs l’accomplissement d’une instrumentalisation politique longtemps cautionnée, au détour du vocale «aile politique de la Transition». Et pour cause, la mainmise des anciens «5 Colonels» sur les rênes de l’Etat n’a jamais été aussi effective et totale qu’avec l’avènement d’un attelage institutionnel exclusivement militaire et qui parachève du coup une œuvre de dépolitisation pressentie depuis la formation de l’équipe sortante, avec la bénédiction du PM évincé.
En plus d’en profiter pour porter un Général de Division à la tête de l’administration d’Etat, l’explosion du duo entre Choguel-Assimi aura produit la brèche par laquelle le gouvernement s’est purgé de ce qu’il restait de ses rares composantes partisanes. Elles ont été emportées par la vague des huit (7) ministres virés en même temps que le président du M5 et remplacés par des arrivants sans relief apparent. Hormis l’ancienne ambassadrice, Oumou Sall Seck devenue nouvelle ministre de l’emploi et de l’entrepreneuriat, l’opinion n’a de cesse de s’interroger sur la provenance des autres nouveaux membres de l’équipe que dirige le super PM Abdoulaye Maïga en conservant son portefeuille de ministre de l’Administration territoriale. Les autres rescapés gardent également intacts leurs portefeuilles respectifs, si bien que l’ancienne architecture gouvernementale n’en est altérée que par l’avènement d’un département délégué (auprès du Premier ministre) en charge du processus électoral. La composition de l’équipe gouvernementale, en revanche, subit une modification au tiers de sa taille. Laquelle s’opère aux dépens de plusieurs caciques, dont de fidèles serviteurs du PM et non moins porteurs de ce que le M5 pouvait encore prétendre partager avec le pouvoir : la Refondation. Fille ou faire-valoir du RFP d’obédience Choguel Maïga, elle demeure toujours une composante de l’action gouvernementale mais en étant orpheline de précurseurs comme Ibrahim Ikassa Maïga ou encore la ministre déléguée Mme Dicko Fatoumata, entre autres personnalités virées du gouvernement. Sauf qu’aux représentants de la tendance adversaire du M5, on a préféré des nouveaux arrivants sortis du chapeau de la présidence pour la plupart et dont le choix consacre une marginalisation définitive de l’aile politique de la Transition et de ses leaders. C’est le prolongement, au fait, d’une dynamique de militarisation qu’annonce depuis longtemps l’abondance de porteurs d’uniforme dans l’administration et les chancelleries maliennes et que le M5, toutes tendances confondues, pensaient cautionner aux seuls dépens des tendances hostiles à une perpétuation de la Transition. Or l’avènement d’un chef du Gouvernement, avec le cumul d’un portefeuille en charge des élections, préfigure un retour à l’ordre constitutionnel à la perte de l’ensemble de la classe politique.
A KEÏTA
Source : Le Témoin
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