Il faut dire que le bras de fer entre le syndicat des travailleurs de la Semaf et la direction de l’entreprise a connu plusieurs épilogues ces dernières années et se dégrade de jour en jour. Selon le Syndicat, la société est confrontée à des problèmes d’ordre structurel et conjoncturel se traduisant par une confusion totale dans la mise en œuvre des textes régis. En d’autres termes, la Semaf fonctionne avec les textes de l’OMVS et souvent de l’Ohada.
Ainsi, les traitements des travailleurs varient en fonction de leur nationalité et naturellement les travailleurs maliens sont les plus lésés. L’exemple frappant est le traitement de l’ITS qui change en fonction des nationalités. Exaspéré par cette injustice flagrante qui fait qu’un technicien sénégalais est deux fois mieux rémunéré qu’un ingénieur malien travaillant dans la même société, le Syndicat revendique donc l’uniformisation du traitement sur l’ITS de l’ensemble des travailleurs, l’application des traitements de salaire de 5 % et 10 % selon le protocole d’accord ainsi que la relecture de l’accord d’établissement de l’ancien opérateur.
Cependant, selon le Syndicat, la révision perpétuelle de l’organigramme de l’entreprise sans aucun mandant des administrations constitue un problème de gouvernance majeur car elle engendre la création de postes sans valeur ajoutée et des recrutements tous azimuts de personnels sans compétences précises. Une situation qui a favorisé aujourd’hui la dégradation du climat social et du vivre ensemble entre les différentes communautés à Manantali.
Paiement correct de leurs salaires, des arriérés de primes et de cotisations au bénéfice du fonds social…
En dehors des points concernant l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, le Syndicat s’inquiète surtout de la dégradation des installations du barrage de Manantali qu’il considère comme un sabotage flagrant se traduisant par l’absence de maintenance annuelle depuis 2022, par la non disponibilité des pièces de rechanges, par l’absence d’outillage pour le suivi du fonctionnement des installations, par l’arrêt du système de refroidissement de la centrale depuis 3 ans, par la vétusté du système d’information (caduc). Et enfin par la non-fonctionnalité de la micro-turbine de Manantali.
Pire, aujourd’hui, sur les 5 groupes de 40 MW, soit une puissante totale de 200 MW dont la Centrale hydroélectrique de Manantali dispose, un groupe est déjà à l’arrêt depuis un bon moment tandis qu’un autre groupe présente des défaillances importantes. Et le plus inquiétant est l’arrêt du système de refroidissement de la centrale depuis 3 ans ainsi que l’arrêt du système de protection incendie. Ainsi, face à ces dysfonctionnements inquiétants qui ne semblent susciter aucune réaction de la direction de la Semaf, beaucoup de travailleurs de l’entreprise estiment qu’il s’agit d’un sabotage de cette centrale capitale pour le Mali.
En effet, Manantali fournit quotidiennement au Mali près de 80 MW tandis que Félou et Gouina cumulent près de 60 MW par jour soit plus de 60 % d’apport d’électricité distribué actuellement par EDM-SA.
Face à cette situation, les craintes sont sans doute légitimes, au regard de l’importance fondamentale du système OMVS dans notre niveau actuel de fourniture d’électricité. En outre, les travailleurs réclament aussi le paiement correct de leurs salaires, des arriérés de primes, des arriérés de cotisations au bénéfice du fonds social et le respect des dispositions règlementaires en hygiène, sécurité et santé au travail et dans les Cités.
Une situation qui interpelle particulièrement le ministre de l’Energie et de l’Eau, Mme Bintou Camara, qui assure également la Présidence du Conseil des ministres de l’OMVS et qui aura été saisie de la situation depuis des mois. Doit-on assister impuissant à la dégradation de Manantali comme ce fut le cas de Sotuba et de Sélingué ?
La question mérite d’être posée surtout pendant cette période cruciale pour notre pays qui n’arrive pas à assurer les 40 % des besoins d’électricité de nos compatriotes. Et surtout, quand-on sait que les pays avec qui le Mali partage ces ouvrages, sont aujourd’hui à l’abri de tout besoin en matière d’électricité. Aussi, murmure-t-on dans les couloirs de Manantali, le Mali aurait aujourd’hui avec la Semaf comme la Sogem, des impayés de factures de EDM-SA dont le montant est estimé à plus de 30 milliards de F CFA.
Dans l’un comme l’autre cas, les autorités maliennes doivent agir car ni la grève des travailleurs de la Semaf, ni la dégradation du barrage de Manantali n’avantagent guerre le Mali en proie à une crise énergique effrayante dont les solutions engagées tardent à rassurer.
El Hadj A.B. HAIDARA
Source: Aujourd’hui-Mali
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