Les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se réuniront le 15 décembre 2024 à Abuja, au Nigeria, pour une session qui s’annonce cruciale. Au cœur des discussions, le retrait imminent des trois pays membres fondateurs de l’Alliance des États du Sahel (AES) : le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette décision, prévue pour entrer en vigueur fin janvier 2025, marque une rupture inédite dans l’histoire de l’organisation régionale.
Les raisons d’un divorce annoncé
Bamada.net-Le 28 janvier 2024, Bamako, Ouagadougou et Niamey ont conjointement annoncé leur intention de quitter la CEDEAO. Dans une déclaration commune, ces pays ont dénoncé une organisation qu’ils estiment avoir “trahi les idéaux de ses pères fondateurs et l’esprit du panafricanisme”. Ils critiquent également l’inefficacité de la CEDEAO face à des défis critiques tels que la lutte contre le terrorisme qui déstabilise la région sahélienne depuis plus d’une décennie.
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Cette décision a été accélérée par une série de sanctions économiques et diplomatiques imposées par la CEDEAO aux régimes militaires au pouvoir dans ces trois pays. Ces sanctions, largement perçues comme punitives et non constructives, ont renforcé le sentiment de rejet au sein des populations sahéliennes et ont encouragé la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), un bloc régional alternatif visant à renforcer la souveraineté des pays membres.
Une CEDEAO divisée face au départ des trois États
La 65e session des dirigeants de la CEDEAO s’annonce déterminante pour définir l’avenir de l’organisation dans ce contexte. Les positions des membres divergent :
- D’un côté, un groupe modéré, mené par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, plaide pour accorder un délai supplémentaire afin de permettre une révision de la décision. Lors du récent Forum de Doha, M. Faye a exprimé son optimisme quant à la possibilité de maintenir le dialogue avec les dirigeants des trois pays sahéliens, tout en soulignant la nécessité de réformer la CEDEAO pour mieux répondre aux défis actuels.
- De l’autre, des partisans d’une ligne dure, notamment le Nigeria et la Côte d’Ivoire, appellent à acter rapidement le départ des trois pays pour préserver la stabilité et l’intégrité de l’organisation. Ces États estiment que la création de l’AES constitue une menace pour l’unité de la région et pourrait affaiblir le poids diplomatique de la CEDEAO sur la scène internationale.
Les implications géopolitiques du retrait
Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger représente un bouleversement géopolitique majeur pour l’Afrique de l’Ouest. Ces trois pays, bien que confrontés à d’immenses défis sécuritaires, disposent d’un poids stratégique significatif. Ensemble, ils représentent une superficie de plus de 4 millions de kilomètres carrés et une population combinée de près de 65 millions d’habitants.
Avec la création de l’AES, ces pays entendent redéfinir les priorités régionales autour de la lutte contre le terrorisme, le développement local et la souveraineté nationale. Ce nouveau bloc se veut également une alternative à une CEDEAO perçue comme trop alignée sur les intérêts occidentaux, notamment ceux de la France et des États-Unis.
Cependant, le retrait pourrait fragiliser l’intégration économique régionale, un pilier fondamental de la CEDEAO. Les échanges commerciaux, les projets d’infrastructures transfrontalières et les politiques communes en matière d’énergie ou de transport risquent de subir un coup d’arrêt, exacerbant les divisions entre les États membres.
Les perspectives d’avenir : entre dialogue et réforme
La médiation menée par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye pourrait offrir une lueur d’espoir pour éviter une désintégration totale de la CEDEAO. Son plaidoyer en faveur d’une réforme de l’organisation trouve un écho favorable auprès de nombreux États membres qui reconnaissent la nécessité d’adapter la CEDEAO aux réalités actuelles.
Parmi les pistes évoquées, une meilleure prise en compte des spécificités sahéliennes, une lutte plus coordonnée contre le terrorisme et un mécanisme de sanctions plus équilibré pourraient permettre de reconstruire la confiance.
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Cependant, le temps presse. Le calendrier établi par le Mali, le Burkina Faso et le Niger laisse peu de marge de manœuvre. Si aucune solution n’est trouvée d’ici janvier 2025, la CEDEAO devra non seulement se réinventer sans ces trois pays, mais aussi relever le défi de rester pertinente dans un paysage régional de plus en plus fragmenté.
Conclusion : un test pour l’unité ouest-africaine
Le retrait des trois pays sahéliens de la CEDEAO illustre les tensions croissantes au sein des organisations régionales africaines. Entre divergences politiques, défis sécuritaires et aspirations à une souveraineté renforcée, l’Afrique de l’Ouest se trouve à un carrefour critique.
La réunion d’Abuja du 15 décembre sera un moment décisif pour l’avenir de la CEDEAO. Les dirigeants devront faire preuve de vision et de leadership pour éviter que cette crise ne se transforme en une fracture irréversible. Quant à l’AES, elle incarne une nouvelle dynamique régionale, mais son succès dépendra de sa capacité à répondre efficacement aux attentes des populations sahéliennes tout en construisant des partenariats solides avec le reste du continent.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net
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