Harouna Cisse, ancien ministre du développement social : «ATT n’était pas un homme porté sur le matériel, ni sur l’argent»

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“Le jour où IBK m’a confié la mission pour le retour d’ATT à Bamako, il m’a dit qu’il n’a rien à reprocher à son jeune frère”Harouna Cissé fut ministre du Développement social, de la Solidarité et des Personnes âgées sous Amadou Toumani Touré et non moins son Directeur de campagne aux élections présidentielles et législatives de 2007. C’est d’ailleurs, lui qui avait été désigné, par feu le Président Ibrahim Boubacar Kéïta pour aller chercher ATT à Dakar, avec l’ambassadeur Toumani Djimé Diallo.  Une mission bien réussie ! Puisqu’ATT est revenu à Bamako avec tous les honneurs.  Dans cet entretien exclusif, Harouna Cissé nous dévoile quelques confidences  de la vie d’ATT.

Aujourd’hui-Mali : Quatre ans après la disparition du président ATT, quel souvenir gardez-vous de l’illustre défunt ?

Harouna Cissé : Je commencerais par ceci qu’Allah Swt accueille notre bien aimé,  regretté,  le Général Amadou Toumani Touré dans son Paradis éternel pour ses mérites. Je retiens tout simplement qu’il fut un grand soldat dans la dimension la plus noble du terme ; puisqu’il était un homme de devoir, de mission et d’engagement.

Le général ATT était un bâtisseur, le Mali était chevillé à son corps et à son âme. Lorsqu’il est décédé, il s’en est allé, drapé du manteau de sa gloire, il était un Djamanatigui, un Amir, un Massa. Il est parti avec sa gloire et son pouvoir, il est parti avec la tête ceinte d’une couronne – celle des Êtres  d’exception dont Dieu sait gratifier les peuples d’exception.

Voilà ce que je retiens de l’homme; son aura diffusait même après son décès : en ma connaissance, partant de nos us et coutumes, c’etait la première fois qu’il s’est déroulée une procession funèbre encadrée de part  et d’autre et tout le long d’un trajet par une masse humaine. C’était la première fois que je voyais cela au Mali. Et ce qui est encore extraordinaire, lorsque son cercueil descendait dans la tombe, spontanément tous ceux qui étaient au cimetière, s’étaient mis à applaudir. Cela confirme ce que j’ai dit… qu’il est parti avec sa gloire. Encore une fois, que Dieu lui préserve le meilleur du paradis.

Comment avez-vous appris les nouvelles de son décès ?

Il nous arrive de penser que certaines choses n’arriveraient pas ou ne devraient  arriver sitôt et pourtant, il est inscrit que la mort n’a pas d’âge ni de conditions .

J’ai eu la chance de le rencontrer huit jours avant son départ sur la Turquie.

C’est vrai qu’il était très affaibli, mais personne ne pouvait penser qu’il ne reviendrait pas vivant de ce voyage.

Ayant eu la chance et le privilège de compter parmi ses collaborateurs proches – cela n’avait  jamais cessé , je pense hélas,  avoir été parmi les tous premiers à apprendre la très triste nouvelle de sa disparition ;  il est vrai qu’il était aussi mon frère et…mon ami [ghidho, en peulh …appellation récente dont il m’avait gratifié].

Vous étiez parmi les membres de la délégation partie chercher ATT à Dakar. Comment se sont passées les négociations pour qu’il accepte de retourner à Bamako ?

J’ai eu l’insigne privilège d’être le chef de la délégation :  c’était à moi que notre regretté, le Président Ibrahim Boubacar Kéïta avait confié la mission, c’est-à-dire d’explorer la possibilité de son retour et d’organiser l’événement si son cadet venait à donner son accord.

En me confiant cette mission,  au cours de nos échanges, il m’avait dit n’avoir rien à reprocher à son jeune frère ATT – un moment émouvant pour nous ; à moi de solliciter me faire  accompagner par son ami, l’ambassadeur Toumani Djimé Diallo qui était présent.  A deux, nous avions mené la mission à bien,  par la grâce de Dieu.

Dès le lendemain,  nous nous rendîmes à Dakar; une quinzaine de jours seulement après, nous étions tous à bord de l’avion présidentiel du Mali pour le retour au bercail  – à  Soudouh – baba, de l’enfant prodigue avec toute sa famille. Aussi, au cours des préparatifs,  IBK me disait un jour : “Dôgô,  mon jeune frère est parti à Dakar à bord d’un avion présidentiel étranger ( celui de la République du Sénégal),  nous ne pourrions faire moins pour son retour : Je mets l’avion présidentiel à ta disposition pour son retour”.

Ainsi dit , Ainsi fait …

Quelle a été la réaction d’ATT ?

Vous savez, je vais me répéter, ATT était un soldat très engagé à ses devoirs, à ses missions pour le Mali.  Avant d’aller à Dakar, j’ai échangé longuement avec lui au téléphone.

A notre arrivée, il nous a reçu autour d’un dîner ; après le repas,  mon aîné Diallo et moi, prîmes la parole pour lui faire un long et large exposé de l’objet de notre visite auprès de lui . Un moment  suivi d’un silence – il prit la parole  pour nous dire,  qu’il est fils du Mali à qui il doit tout et qu’il ne peut être heureux nulle part en dehors du Mali bien que le peuple sénégalais et le président Macki Sall l’aient accueilli en fils et en frère.

Si son aîné, son président IBK demandait son retour au bercail, qu’il ne peut qu’accepter et d’ajouter qu’il est un soldat, il s’agit d’une demande de son président et de son grand frère, qu’il va rentrer. Il demandera à l’entame de son intervention à l’ambassadeur Diallo de dire au président IBK qu’il ne pouvait trouver meilleurs émissaires.

Je profite de cette occasion pour affirmer qu’il n’ y avait aucune conditionnalité, aucune exigence, aucune demande particulière de la part du président ATT c’est-à-dire, il n’ y avait aucun deal ni politique, ni autre.

Sauf à demander à son aîné de remercier le président Macki Sall et son peuple….

Il a su trouver les mots pour convaincre sa famille de sa décision de revenir à la maison .

Quelques jours après notre retour, le Président IBK m’a dit avoir dépêché le ministre des Affaires étrangères, Aboulaye DIOP à Dakar pour honorer la demande de son cadet.  Je dois préciser, contrairement à ce qui se distillait ça et là, le  retour du président ATT à été  une affaire malienne, engagée et initiée par le président malien de l’époque et mis en œuvre par des Maliens – autant que j’en savais, sans préjudice à toute activité de bonnes volontés. En dehors du président Macki Sall, celui dont il m’avait plusieurs fois parlé était le président de la République du Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso en l’occurrence,  sa famille, son entourage proche en savent mieux que moi.

Au demeurant, les deux présidents m’avait chacun donné carte blanche pour toute initiative que je jugerai utile à la mission y compris la visite à Mopti et à Bandiagara. Quand bien même,  je les consultai à flux tendu. Je dois dire qu’il y a eu pour la réussite de la mission, le soutien actif du ministre secrétaire général de la présidence, Moustaphe Ben Barka, du gouvernement ainsi que celui de  tous les maliens.

Notre voyage sur  Mopti a été effectué par un avion  de l’armée malienne, piloté par des officiers maliens et sécurisé par nos forces de défense et de sécurité. A Mopti, le général ATT a décliné l’assistance de la Minusma en vue d’assurer sa sécurité. Il disait qu’il était chez lui à Soudou – Baba et  n’avait pas besoin d’étrangers pour sa sécurité.

Avez-vous un souvenir de son départ pour Dakar ?

Une grande tristesse que j’avoue, n’avoir suivi à la minute, mais globalement, j’en savais; nous étions aux arrêts à Kati, à notre libération, je lui avais rendu visite à son domicile à l’ACI-2000. J’ai vu la configuration de la maison et les dispositifs securitaires en place, je lui ai donné un conseil qu’il a mis en œuvre dans les 48 h.

Il a pu se mettre à l’abri dans une ambassade à partir d’où il  se rendit à l’aéroport pour Dakar dans une atmosphère de grande tristesse , de tension  et d’émotion.

A son retour par la grâce de Dieu, les contingences de l’agencement du voyage, nous ont ooccasionné un retard au décollage de Dakar.

Nous  atterrîmes à l’Aéroport International-Président Modibo Kéita de Bamako-Sénou , précisément à 11 h 30 mn.  ATT me disait qu’il avait quitté Bamako pour Dakar, nuitamment à 23 h 30mn (donc 11h30 du soir ), Dieu lui a permis d’être ici à Bamako, en plein jour à 11 h 30 mn. Quelle coïncidence ? Il est parti de sa terre  natale presqu’en catimini – il y est retourné la tête haute. Son arrivée était très émouvante parce que tout le Mali était à l’aéroport.

Une fois installé, ATT était disponible pour aider le Mali, singulièrement pour la stabilisation du centre.Une mission pour laquelle il se sentait bien préparé ; il attendait un signe de la part du président de l’époque, IBK. Je précise que les communautés elles – mêmes l’avaient entrepris pour cela et il avait marqué son accord.

Est-ce qu’ATT était un homme ordinaire ? 

C’est très difficile d’avoir le parcours d’ATT et d’être un homme ordinaire. Lui, se voulait ordinaire et simple. Un Malien lambda égal ou en dessous de tous , mais véritablement, il était un être d’exception, un homme extraordinaire !!

Nous pouvons dire que son décès est une perte pour le Mali ?

Une grande perte pour le Mali, pour l’Afrique, je dirais, pour le monde. Le président ATT est parti à un moment où le pays avait crucialement besoin de lui. Tel que lui-même l’entrevoyait.Il était disponible  pour la République et il avait des choses à faire pour  son pays si on lui en avait donné l’opportunité et une large autonomie – nous en avions parlé.

Est-il vrai que le général ATT n’était pas riche ?

A ma connaissance, ATT n’était pas une  personne portée sur le matériel et sur l’argent. Cela ne l’intéressait pas.

Quelle réalisation d’ATT retient le plus votre attention ?

Je me pose souvent la question comment en si peu de temps et avec peu de moyens, était-il arrivé à engranger toutes ces réalisations. Il m’a toujours impressionné avec ses grandes réalisations dans tous les domaines. Cependant, en réponse à votre question, je vais me satisfaire de ce qu’il me disait à ce propos : il me disait ( ATT) que de tout ce qu’il a pu réaliser pour le Mali, il y’a deux choses dont il est très heureux : le régime d’Assurance maladie obligatoire (Amo) et les logements sociaux. A lui d’ajouter que depuis l’indépendance, le régime d’Assurance maladie obligatoire  et le régime d’Asistance médicale constituent la plus forte mesure de protection sociale que le pays n’aie jamais mis en œuvre .

Je crois qu’il en était fier.

De passage, je salue l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé et l’ancien ministre Sékou Diakité qui étaient ses principaux collaborateurs avec qui il a porté le Régime d’assurance maladie obligatoire sur les fonts baptismaux. Quant à moi, j’avais fait face à la  mise en œuvre du mécanisme en readaptant ce qui avait lieu en des périodes intensément conflictuelles : la question que nous nous posions , compte tenu de la générosité du mécanisme, était de savoir si dans vingt ans,  la CANAM pourrait supporter ses charges. La deuxième chose qui lui avait donné  beaucoup de  bonheur, était le programme des logements sociaux,  ATT- bougou. Ces deux réalisations parmi tant et tant,  étaient celles qu’il m’avait cité lui-même ,lui tenir à cœur .

 Quel souvenir gardez-vous de lui ?

Je garde de lui le souvenir d’un homme de devoir, d’abnégation qui avait sacrifié sa santé, sa vie familliale et sociale , sa vie tout court , pour le Mali. Il était complètement dédié à son peuple, il travaillait 7/7 ….  Il était toujours opérationnel…. Je garde de lui, l’image d’un homme qui ne s’était jamais soucié de ce que le Mali devrait lui offrir, mais plutôt   ce qu’il devait offrir au Mali. Je garde de lui, l’image d’un grand   bâtisseur, d’un homme  pragmatique,  de résultats. Un homme respectueux, affable,  chaleureux et surtout de consensus dans l’élan de rapprochement de ses compatriotes – je prolonge les valeurs de cet homme à sa relation d’avec l’Afrique.

 Quel conseil donneriez-vous à la classe politique pour que le Mali connaisse le même rayonnement que sous ATT ?

En vérité, la vie d’ATT est un exemple tant pour les pouvoirs publics y compris pour le président de la République que pour la classe politique et la société civile.

Le conseil que je vais donner, c’est  de s’inspirer d’ATT qui a apporté une forte contribution à  la construction de son pays par une forte dose d’humilité, de respect de tolérance et de consensus. Je n’oculte guère les mérites de ses illustres devanciers.

Singulièrement ? Il me suffira d’invoquer la mémoire de ce grand baobab  qu’est ATT, lorsqu’il disait  en son slogan:

“RETROUVONS CE QUI NOUS UN”:

Cela demeure tellement d’actualité.

Plus qu’un slogan , faisons – en, un hymne à la retrouvaille nationale.

Que  les Maliens, toutes catégories confondues, se donnent le réflexe, l’impératif devoir de se retrouver autour de ce qui les uni : le Mali,  notre chère et unique Patrie.

En direction de la classe politique et de la société civile, il est impératif qu’elles sortent  des agendas personnels , des calculs politiques voire, politiciens; détournons – nous de nos egos, sortons des tranchées,  comme le dirait un éminent politique,  pour retourner  dans les fondamentaux de ce que nous sommes, de par notre éducation, notre culture, de par nos origines et ainsi,  nous retrouver et retrouver justement, ce qui nous uni. Prenons garde pendant qu’il en est encore temps, allons à l’essentiel pour notre pays.

Donnons et rendons à notre pays bien aimé ce qu’il est en droit légitime  d’attendre de ses  filles, de ses fils.

Nous devons tout au Mali.

Tendons – nous  et tenons-nous la main , solidement pour faire face à l’adversité qui est multiple et multiformes .

Votre dernier mot ?

L’ avant mot de la fin est de dire que la vie du Général, Président  ATT est une grande invite pour les Maliens; son parcours, son mental / idéologie et ses approches tous azimuts,  constituent une véritable école dont nous devons tirer profit surtout en ce moment précis où les choses sont difficiles , bien que non insurmontables .

Le dernier mot, est d’avoir une pensée pieuse en direction de tous nos disparus, en particulier les filles et les fils  du Mali morts pour la Patrie éternelle, pompt rétablissement à tous les blessés, compassions à toutes les familles endeuillées et personnes affectées. Ces prières s’étalent également à tous les étrangers victimes , comme notre peuple de cette violence qui s’est imposée à nous dont nous ne sommes nullement responsables.

Gloire à tous nos martyrs – notre perpétuelle reconnaissance…

ALLAH SWT VEILLE,

L’ESPRIT DE NOTRE ILLUSTRE DISPARU  ATT, NOUS ACCOMPAGNE,

LES ENFANTS DU MALI SE RETROUVERONT, NOTRE PAYS RESTERA DEBOUT !!

In Shaa Allah …

Propos recueillis par El Hadj A.B. HAIDARA

Source: Aujourd’hui-Mali

 

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