«Le Mali, l’AES et le monde entier nous regardent… Bonne chance ! » lançait avec sourire le Premier ministre sortant, « Merci Monsieur le Premier ministre » retorqua avec le même sourire, le Premier ministre entrant. C’est sous ce ton glacial que les deux hommes se sont dits aurevoir. La passation de services entre Dr Choguel Kokala Maïga et le Général de Division Abdoulaye Maïga est ainsi bouclée. Cela, comme s’il s’agissait d’une passation ordinaire au sein d’un régime démocratique normal. Loin s’en faut, les derniers évènements prouvent largement le contraire. Et ce qui reste évident, de la même manière qu’ils se regardaient en chiens de faïence à la tête et au sein du même gouvernement, de cette manière ils ne se feront jamais de cadeau durant tout le reste de la Transition. Pourtant n’eurent été les circonstances de la gestion de la Transition, rien ne prédestinait ces deux hommes d’Etat à s’entretenir de telle relation belliqueuse.
Flash Back
Trois mois seulement après sa nomination, le Premier ministre Dr Choguel Kokala Maïga sera victime d’un accident vasculaire-cérébral. Une situation qui l’éloignera de la gestion des affaires publiques quatre mois durant. Pour assurer l’intérim à la tête de la Primature, le Président de la Transition jette son dévolu sur Abdoulaye Maïga, alors ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation. Qui assumera ces charges avec dévouement, certainement dans l’espoir d’être confirmé à ce poste, sachant que toutes les évidences démontraient qu’une ancienne victime d’AVC ne pourra plus pleinement assumer une haute fonction stratégique comme celui de Premier ministre. Miraculeusement, quatre mois seulement après son AVC, le PM Choguel réapparait pimpant bien paré dans son grand boubou traditionnel ‘’Faso Danfani’’ aux couleurs du Mali. Sans outre mesure, le Président de la Transition lui renouvèle sa confiance et abroge le décret de nomination du Colonel Maïga au poste de Premier ministre par intérim. Mais ne manquera pas cependant à relever ce dernier au rang de Ministre d’Etat avec une nouvelle disposition l’acquiesçant d’assumer son ancien poste en de vacances à la tête du Gouvernement. Comme le loup, le chien et le chat, le Président Goïta a continué de cheminer avec ces deux hommes mais avec une certaine complicité apparente sur son frère d’armes. Cette situation a fini par susciter une réelle méfiance entre les deux Maïga. Le premier se complaisait de son titre de Premier ministre sur le papier issu de la force civile de la Transition et le second se comportait en véritable homme de confiance des hommes forts de la République. Ce faisant, une concurrence rude était installée avec un conflit larvé entre les deux personnalités. Mais chacune, selon ses stratégies se réservait d’en déballer sur la place publique, même si à travers des canaux spécifiques aux pontes du M5RFP, à savoir les vidéo mans sur les réseaux sociaux, des critiques acerbes et d’autres révélations contre les militaires au pouvoir étaient quotidiennement distillées. Finalement ce qui devait arriver arriva, le PM Choguel finira par craquer.
Meeting de rupture
Tout est parti d’un meeting de clarification organisé par la tendance M5-RFP de Choguel Kokalla Maïga le samedi 16 novembre à l’occasion de l’anniversaire de la reconquête de la région de Kidal après plus d’une décennie. Pendant ce rassemblement, l’ex PM n’a pas porté de gangs pour tomber à bras raccourcis sur les « militaires », actuelles autorités de la Transition. Ce, avec des révélations poignantes sur leurs relations respectives, empreintes de méfiance, au sommet de l’Etat, depuis deux ans maintenant. Surtout lorsqu’il révèle que sur la prolongation de la transition et la tenue des élections tant attendues, il n’y a jamais eu de débat au sein du gouvernement sur ce sujet et étrangement, que c’est à la télé qu’ils ont appris son report. Histoire d’affirmer qu’il n’était pas associé à la prise de décision des questions importantes de la vie de la Nation, en tant que Chef du Gouvernement. « Aujourd’hui encore, il n’existe aucun débat sur la question, le Premier Ministre est réduit à se contenter des rumeurs de la presse ou à une interprétation hasardeuse des faits et gestes du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. Le Gouvernement n’a aucune information sur le programme ni le plan d’action de l’AIGE (Autorité Indépendante de Gestion des Elections) ; or la création et la mise en place de cet organe fait partie des exigences majeures du peuple malien pour la réalisation du Mali nouveau, le Mali Kura » a-t-il invectivé, sans manquer d’affirmer que la mise en place de l’AIGE a contourné toutes les procédures normatives dans le fonctionnement d’une équipe dirigeante. De plus, qu’il est même étonnant que ce soit les tenants de l’ancien régime et nouveaux soutiens de la Transition qui manifestent leur satisfaction à son adoption.
Ce propos tenu par Dr Maïga a provoqué l’ire des soutiens de la transition. C’est pourquoi deux jours après ce meeting du M5RFP, ils ont organisé des manifestations un peu partout dans le pays, lors desquelles, on réclamait la révocation du PM Choguel. Ce faisant, tous les regards étaient braqués sur Koulouba, où devrait se tenir le traditionnel Conseil des Ministres, le lendemain mercredi. Sans surprise, ce Conseil a été annulé en début de matinée et quelques heures après, le Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta a décidé de mettre fin aux fonctions de son Premier Ministre, Dr Choguel Kokala Maïga pour le remplacer par le Général de Division Abdoulaye Maïga le jeudi 21 novembre.
Un nouveau Gouvernement nettoyé des traces de Choguel
A la lumière de la liste du nouveau Gouvernement, il ressort que la Transition désormais sous la coupe des Généraux n’entend plus faire cadeau à l’ancien Premier ministre, dont sept de ses proches, ministres au sein de l’ancienne équipe furent tout simplement éjectés. Ils sont le Ministre de la Refondation de l’Etat, chargé des relations avec les Institutions, Ibrahim Ikassa Maïga ; la Ministre de l’Energie et de l’Eau, Bintou Camara ; la MPFEF, Coulibaly Mariam Maïga ; le Ministre de l’Environnement et de l’Assainissement, Mamadou Samaké ; le Ministre de la Culture, Andogoly Guindo ; la Ministre déléguée auprès du Premier Ministre, chargée des réformes, Fatoumata Sékou Dicko et la Ministre de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la formation professionnelle, Bagayoko Aminata Traoré.
Par ailleurs, les nouveaux rentrants sont Bakary Traoré, le Ministre de la Refondation de l’Etat, chargé des relations avec les Institutions ; Boubacar Diané, Ministre de l’Energie et de l’Eau ; Oumou Sall Seck, Ministre de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle ; Diarra Djénéba Sanogo, Ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille ; Doumbia Mariam Tangara, Ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable ; Mamou Daffé, Ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme et Ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé des Réformes, Mamani Nassiré.
Quant au Général de Division Abdoulaye Maïga en sa qualité de PM, garde également son portefeuille de Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, comme Boubou Cissé dans le dernier Gouvernement d’IBK.
Ce qui reste évident, le nouveau PM, Abdoulaye Maïga en sa qualité de ministre en charge de l’organisation des élections aura de nouveau sur son chemin son prédécesseur, Dr Choguel Kokalla Maïga, dont le premier acte fort après son retrait a consisté à resserrer les rangs de son mouvement (M5RFP) et de son parti (MPR) en vue des futures échéances politiques. A coup sûr, les accolades de la passation de services seront bientôt des empoignades alléchantes.
Mariam Sissoko et M. Diawara
Source : Le Sursaut
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