Le parquet financier a par ailleurs déjà demandé que Nicolas Sarkozy soit reconnu coupable de corruption passive, recel de détournement de fonds publics, et association de malfaiteurs.
Des “traces d’argent liquide” illégal dans la campagne 2007, alimentant le “faisceau d’indices” d’une corruption libyenne: le parquet financier a demandé mercredi au deuxième jour des réquisitions la condamnation de Nicolas Sarkozy pour financement illégal de campagne et de trois anciens ministres pour complicité.
Le procureur Quentin Dandoy le reconnaît: “il n’y a pas de proportion entre les sommes versées dans le pacte de corruption”, environ 6 millions d’euros selon l’accusation, “et l’argent liquide retrouvé dans la campagne”, quelques dizaines de milliers d’euros.
“Nous n’avons pas établi l’existence d’un système de fausses factures, pas rapporté la preuve que des prestataires avaient bénéficié de paiements en liquide”, reconnaît-il. “Mais de cet argent liquide, il y a trace. Minime, mais il y a trace”.
“Il existe un faisceau d’indices, quand on regarde le fonctionnement de cette campagne”, poursuit-il, citant les remboursements en cash de frais de bouche ou d’hôtellerie, les primes en liquide.
De l’argent libyen “a sans nulle doute été utilisé” dans la campagne
Quentin Dandoy évoque ensuite les différents témoignages de Libyens ou de l’intermédiaire Ziad Takieddine:
“On vous a dit que cet argent partait de Libye, on vous a parlé d’un agent de corruption en capacité de porter des valises. On vous a dit que ces sommes en liquide devaient être remises à un homme, Claude Guéant. Cet homme, au moment de la présidentielle, a loué une chambre forte” à deux pas du QG de campagne, “et s’est trouvé dans l’incapacité d’expliquer pourquoi”, poursuit-il.
“Ce n’est qu’en englobant, en prenant en considération l’intégralité de notre démonstration que vous pourrez être convaincus” que des sommes ont été versées et que “de l’argent a sans nulle doute été utilisé” dans la campagne, conclut-il, soulignant que Nicolas Sarkozy avait “validé” les comptes.
Les trois parquetiers ont demandé à ce que les anciens ministres, Eric Woerth, Brice Hortefeux et Claude Guéant, soient condamnés pour complicité de financement illégal de campagne – les deux premiers étaient assis sur le banc des prévenus, à côté de Nicolas Sarkozy.
Sarkozy “commanditaire” d’un pacte de corruption
Plus tôt dans la journée, les procureurs avaient demandé à ce que l’ancien chef de l’Etat soit reconnu coupable de corruption, recel de détournement de fonds publics et association de malfaiteurs.
Mardi, ils n’avaient pas mâché leurs mots à l’encontre de Nicolas Sarkozy, le “véritable décisionnaire, le véritable commanditaire” d’un pacte de corruption “inconcevable, inouï, indécent”, noué avec le dictateur libyen afin de financer sa campagne.
Ils avaient concédé à la défense qu’ils ne croyaient pas à la thèse d’un “tête à tête” entre Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur) et Mouammar Kadhafi, sous la tente de ce dernier à Tripoli en octobre 2005.
Mais cet accueil “digne d’un chef d’Etat” avait scellé selon eux le pacte organisé en coulisses par les “hommes de main” – Claude Guéant et Brice Hortefeux côté français.
Comme pour les gros contrats d’entreprises, avait ironisé le procureur Quentin Dandoy, “on fait venir les chefs pour qu’ils se serrent la main devant les caméras” quand tout est déjà calé par les fidèles “numéros 2”.
Reprise des réquisitions demain
Avant d’aborder le financement de la campagne, le procureur Philippe Jaéglé a détaillé mercredi matin les “contreparties” promises selon lui en échange de ce soutien financier, par Nicolas Sarkozy et sa “garde rapprochée”.
Au premier chef: un “soutien diplomatique” pour “consolider le retour de la Libye sur la scène internationale”, après la levée de l’embargo en 2003, avec notamment la visite “fastueuse” à Paris en décembre 2007, “qui a beaucoup choqué”, de Mouammar Kadhafi, “dont les mains étaient couvertes de sang”.
Mais aussi les “recherches” de Claude Guéant notamment pour “trouver une issue juridique à la situation d’Abdallah Senoussi”, le beau-frère de Kadhafi qui souhaitait voir annuler sa condamnation à perpétuité pour l’attentat du DC-10 de l’UTA qui a tué 170 personnes, dont 54 Français, en 1989.
Ou encore le fait, a-t-il soutenu, que Claude Guéant ait “favorisé” la vente d’hélicoptères de combat à la Libye et “poussé” pour un réacteur nucléaire civil en “faisait fi de manière insensée de l’avis éclairé” d’Areva et “au mépris de l’impératif fondamental de sureté de l’État”.
Les réquisitions reprendront jeudi matin. Les peines demandées pour chacun des 12 prévenus seront annoncées en fin de journée.
Source : BFM TV
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