Quand l’or brille, mais divise : un regard sur le bras de fer entre le Mali et Barrick Gold

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Le bras de fer entre le Mali et Barrick Gold incarne la lutte pour une souveraineté économique renforcée, au cœur des enjeux de justice et de développement national.

Le Mali, troisième producteur d’or en Afrique, se trouve aujourd’hui au cœur d’une bataille stratégique autour de son métal précieux. Le complexe minier de Loulo-Gounkoto, opéré par le géant canadien Barrick Gold, est devenu le théâtre d’un affrontement symbolique entre les autorités maliennes déterminées à rétablir la souveraineté nationale sur les ressources naturelles et une multinationale habituée à naviguer dans les eaux tumultueuses des économies émergentes.

La vision malienne de la souveraineté et de la redistribution 

À première vue, ce différend pourrait être interprété comme une simple querelle commerciale. La transition malienne a récemment ordonné la saisie des stocks d’or sur le site, empêchant ainsi Barrick Gold d’exporter le métal précieux. En réponse, le groupe canadien menace de suspendre ses opérations si la situation n’est pas résolue rapidement. Mais cette dispute dépasse le cadre purement économique. Elle s’inscrit dans une dynamique plus vaste de réaffirmation du contrôle étatique sur les richesses stratégiques, un leitmotiv des autorités maliennes depuis leur arrivée au pouvoir en 2020.

Pour le Mali, ce bras de fer s’inscrit dans un contexte de redéfinition des relations avec les investisseurs étrangers. Sous la pression des autorités maliennes de la transition, un nouveau code minier a été adopté, augmentant les redevances dues par les compagnies et renforçant la part de l’État dans les projets aurifères. L’objectif est clair : transformer l’extraction minière en un levier de développement national, en maximisant les retombées locales et en réduisant la dépendance à l’égard de partenaires étrangers souvent accusés de rapacité.

Cette vision s’inscrit dans une politique plus large de lutte contre la corruption et de justice économique. Les mandats d’arrêt émis à l’encontre de cadres de Barrick Gold, accusés de blanchiment d’argent, sont emblématiques d’une volonté de démontrer que personne, pas même les multinationales, n’est au-dessus des lois. Cependant, cette approche pose la question de l’équilibre entre souveraineté nationale et attractivité économique.

Le dilemme des ressources naturelles

Le Mali, comme de nombreux pays africains, se trouve pris dans un paradoxe inhérent à l’exploitation des ressources naturelles. Si l’or contribue à trois quarts des recettes d’exportation et à un quart du budget national, les bénéfices tangibles pour la population restent limités. Le modèle actuel d’exploitation, largement dominé par des entreprises étrangères, laisse une grande part de la valeur ajoutée hors des frontières du pays. Les autorités maliennes de la transition souhaitent inverser cette tendance en redéfinissant les termes des partenariats économiques. Mais à quel prix ?

Barrick Gold, conscient des enjeux, se dit prêt à redéfinir son partenariat avec l’État malien et à augmenter sa contribution financière. Cette ouverture marque une opportunité de repenser la relation entre les acteurs publics et privés, afin de trouver un équilibre entre souveraineté nationale et viabilité économique.

Pour le Mali, il s’agit de transformer la crise actuelle en catalyseur de changement. La mise en œuvre rigoureuse des réformes minières pourrait non seulement accroître les revenus étatiques, mais aussi poser les bases d’un modèle économique plus inclusif. Cependant, cela nécessitera une approche pragmatique et un dialogue franc avec les partenaires internationaux.

Le défi de la souveraineté dans un monde globalisé

La confrontation entre le Mali et Barrick Gold reflète un défi fondamental pour de nombreux pays en développement : comment tirer parti de leurs ressources naturelles sans sacrifier leur souveraineté ni compromettre leur intégration dans l’économie mondiale ? Ce bras de fer, bien que conflictuel, illustre l’urgence de réinventer les relations entre États et multinationales. Si le Mali parvient à équilibrer ses aspirations nationales et les exigences des investisseurs, il pourrait devenir un modèle pour d’autres nations africaines.

L’or de Loulo-Gounkoto, au-delà de sa valeur marchande, symbolise donc un combat plus vaste : celui de la justice économique et de l’autodétermination dans un monde globalisé.

Chiencoro Diarra 

Source : Sahel Tribune

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