Remodelage du système politique malien : Une occasion ratée par la Transition

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A chaque nouvelle Transition, l’occasion est donnée aux élites du pays d’opérer des changements majeurs dans la vie de la Nation. Secret de Polichinelle, le système politique malien est malade, en déphasage avec les réalités du pays, et contreproductif. Malheureusement, encore une fois, l’occasion ne fut saisie.

Trouver un modèle politique qui correspond aux réalités profondes du pays, est devenu le défi existentiel que toute génération doit relever au Mali. Depuis les indépendances, le pays peine à trouver une armature politico-institutionnelle stable et cohérente, qui permettra à l’économie nationale d’amorcer l’émergence. Aujourd’hui encore, la question, semble-t-il, est occultée par les  instances décisionnelles. Et à chaque rupture  de la gouvernance,  de nouveaux acteurs font irruption sur la scène politique. Durant ces dernières années, il est aisé de remarquer, qu’en plus d’une  classe militaire qui s’approprie de plus en plus de la chose politique, les ambitions clairement affichées d’une certaine frange des religieux sont un secret de polichinelle.

Lorsque le patient, après plusieurs traitements, subit une rechute, cela veut dire que le diagnostic de départ est mal posé. Tel pourrait être le cas du système politique malien que l’on voit nettement en déphasage avec les réalités socio-économiques du pays et du monde mais aussi avec la compréhension générale du Malien lambda. Depuis son indépendance, le Mali a tour à tour connu des régimes civils et militaires, parfois les deux à la fois, sans pour autant réussir á faire des préoccupations quotidiennes du citoyen le moteur de toute action publique. Aussi, la réalité géopolitique du Mali fut très souvent négligée. Mais alors, quel pourrait être le système politique qui pourrait donner au pays, émergence économique et rayonnement sociétal. En l’état, beaucoup de Maliens diront sans doute qu’après l’échec d’une frange civile, supposée corrompue et incompétente, baignée dans la sauce politicienne, seuls les militaires, avec leur poigne et leur discipline, peuvent redresser le pays.

Quid alors du grand boubou et du turban ?

Durant ces dernières années, un nombre non négligeable de Maliens lorgnent la catégorie des religieux, hommes de Dieu dont la droiture et la noblesse, ne feraient l’objet d’aucun doute. Ces religieux, éduqués selon les préceptes d’un Islam différent de l’Islam traditionnel, malékite et soufi connu de tous, verraient de plus en plus, leur heure arrivée. L’Islam politique serait déjà sur les fonts baptismaux au Mali.  Il reste uniquement la base légale. Mais à cela, un verrou de taille subsiste, c’est la laïcité. Ainsi, la demande fort pressante de nombre d’organisations religieuses lors du dernier referendum sur la Constitution, de faire du Mali, un État multiconfessionnel, était le premier pas pour ancrer dans le paysage politique malien, une idéologie de l’Islam politique. Avec en filigrane, faire du pays une République islamique à terme. Quoi de plus normal selon les partisans de cette thèse, pour une population à majorité musulmane et qui aura été, bien avant les indépendances, un des centres vivants de l’Islam en Afrique subsaharienne ?

A l’évidence, encore une fois, le diagnostic posé par ces religieux de l’état spirituel et social du pays  n’est pas le bon. Certes, le pourcentage de Maliens qui sont de confession musulmane frôle le plein, mais combien vaut réellement la foi musulmane de toute cette population ? Car, si l’on veut appliquer une logique simpliste, le Mali aurait été une République islamique dans la grande partie de son armature politique et institutionnelle, peu après son accession à l’indépendance. Il y a certes des dispositions de la Charia islamique dans le droit positif malien, telle que la polygamie dans le mariage ou dans le régime successoral pour ceux qui le souhaitent, mais cela est plutôt dû au fait majoritaire.

L’équation devrait pourtant être simple. Pour des hommes qui ont consacré leur vie à l’enseignement des préceptes de la religion, ils devraient se cramponner à cette ligne. Car oui, il ne faut point être un observateur aiguisé pour constater que la spiritualité des Maliens n’est plus ce qu’elle était. Et peut-on attribuer cet état de fait à la laïcité seule ? Certes, le concept est porteur d’ambigüité et l’appliquer dans le contexte malien sans tenter de l’adapter est une erreur. Mais, peut-on aussi parler de la part de responsabilité des religieux, toutes tendances confondues ? Car il faut le dire, certains prêcheurs font plus dans le clash, le bling-bling et le lucratif que porter la parole claire et limpide d’Allah. Alors que les outils de divertissement n’ont jamais été aussi puissants et où, paradoxalement, beaucoup de Musulmans ont peur de leur propre religion ou la trouvent liberticide, l’heure doit être à la sensibilisation et à l’explication, tout en étant pédagogue. Toute tentative d’existence politique avec pour but la prise de pouvoir sera vue par beaucoup comme une manœuvre, encore une autre, de la part de certains Maliens d’instrumentaliser d’autres à des fins de pouvoir et d’argent. Comme l’auraient fait une certaine classe politique des années durant.

In fine, manquer à la refonte du système politique malien reviendrait à reporter un exercice d’une importance vitale. Un exercice qu’il faudra résoudre à tout prix.

                                                                                                                               Ahmed M. Thiam

Source: L’Alternance

Source: bamada