Sortie de crise énergétique: l’option ivoirienne est-elle politique ou économique ?

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En choisissant la direction de l’Energie du Mali pour sa toute 1ère sortie gouvernementale, le Premier ministre, le Général de Division, Abdoulaye MAIGA, a suscité beaucoup d’espoir chez ses compatriotes, notamment l’espoir d’une reprise en main de la situation énergique avec une nouvelle approche qui consiste à permettre aux agents de la société Energie du Mali, eux-mêmes, de proposer des solutions adéquates, pratiques et durables.

Accueilli par le Directeur Général de l’EDM-SA Abdoulaye Djibril DIALLO, le Président du Conseil d’Administration de l’entreprise, Abdrahamane DEMBELE, le Chef du gouvernement a pris connaissance des résultats de la consultation générale qui a mobilisé en une semaine plus de 600 agents de l’entreprise à travers une approche participative qui a permis de recenser des solutions concrètes.
En effet, les solutions proposées ont trait au renforcement de la production énergétique locale pour réduire la dépendance aux importations, exploitations des opportunités régionales, notamment les interconnexions sous régionales, la viabilité financière de l’entreprise par une meilleure gestion des subventions et des coûts, l’amélioration de la gouvernance interne et instauration d’une communication plus fluide ainsi que l’élaboration de stratégies à long terme tout en mettant en œuvre des actions immédiates pour stabiliser l’approvisionnement énergétique.
A l’issue de la visite à EDM, et de la séance de travail avec tous les départements et acteurs impliqués dans la solution, contrairement à certaines affirmations, on doit retenir que les autorités nationales (ministre et Premier ministre) ainsi que les responsables de l’EDM n’ont jamais mis en avant et privilégié une option d’interconnexion avec tel pays par rapport à un autre, mais plutôt le renforcement de la production énergétique locale pour réduire la dépendance aux importations et parvenir à la souveraineté énergétique. L’option ivoirienne d’interconnexion électrique avancée par des certains est-elle dès lors purement politique ou économique ? La Côte d’Ivoire offrirait-elle plus ou moins que les autres voisins ?

Sur le vif, la promotion de l’interconnexion avec certains pays de sous-région semble être une solution pratique afin d’importer toute la capacité disponible. L’importation de l’électricité n’est pas une honte pour un pays, mais découle d’une volonté politique des plus hautes autorités nationales et régionales depuis 2000. Déjà, l’intégration par l’électricité est, par exemple, une réalité entre le Sénégal et la Mauritanie dans le cadre de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont signé l’accord sur le Pool énergétique ouest-africain (WAPP) en octobre 2000. L’accord prévoyait de développer des installations de production d’énergie dans chaque pays, puis d’interconnecter leurs réseaux nationaux respectifs pour accroître l’offre d’électricité.
Aussi, pour sortir de la crise, l’Energie du Mali a toujours recommandé l’accélération des ouvrages d’interconnexion, notamment entre notre pays et la Guinée dans le cadre de l’OMVS. En effet, l’interconnexion électrique en 225 kV entre la Guinée et le Mali en plus de contribuer au développement économique des deux nations, cette infrastructure permettra une meilleure gestion des ressources énergétiques, une réduction des coûts d’accès à l’électricité et un soutien au développement durable en promouvant les énergies renouvelables.

Qui de la piste ghanéenne via le Burkina ?
La situation électrique du Ghana s’est tellement améliorée ces dernières années à tel point que le pays exporte désormais de l’électricité vers ses voisins. Les fluctuations de la tension électrique et les longues heures sans électricité appartiennent désormais au passé. Grâce aux ressources en gaz du champ de Jubilee et aux turbines hydroélectriques, le pays a réussi à surmonter, dans une certaine mesure, la pénurie d’électricité à laquelle il était confronté dans les années 1990 et au début des années 2000. Cependant, il reste encore beaucoup à faire.
Depuis, le gouvernement ghanéen a attiré des investissements dans le secteur de l’énergie et a réussi à réunir près de 4 milliards de dollars pour aider à accroître la production d’électricité dans le pays avec l’aide d’entreprises privées. Cela a permis au pays de répondre à sa demande croissante et de venir à partir de 2015 un exportateur majeur d’électricité vers la sous-région. Mais aujourd’hui, la crise est passée par là.

Comme tous les pays du monde, le Ghana est en proie à de graves pannes d’électricité qui affectent tout le pays. Le secteur de l’électricité, mal entretenu et sous-financé, a du mal à faire face à la situation conjoncturelle mondiale. Explications : l’électricité ghanéenne est produite à partir d’un mélange de centrales au gaz naturel, d’énergie hydroélectrique, de pétrole et d’énergies renouvelables.
En 2021, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 63 % de l’électricité ghanéenne provenait du gaz naturel, 34 % de l’hydroélectricité, 3 % du pétrole et moins de 1 % de l’énergie solaire. Toutefois, depuis la crise ukrainienne, le pays est devenu plus dépendant du gaz car c’est un moyen plus efficace de produire de l’électricité que l’hydroélectricité. Or, le Ghana ne dispose pas actuellement d’une production nationale de gaz suffisante pour alimenter ses centrales et doit donc importer ce combustible de l’étranger. Mais comme le nôtre, le pays bien que membre de la CEDEAO n’a pas assez d’argent pour acheter le combustible nécessaire à ses centrales.

Conséquences :
Alors que la capacité totale installée est d’environ 5100 MW, le resserrement de l’approvisionnement en gaz a laissé le Ghana avec un peu plus de 3100 MW de capacité de production. Cette capacité est loin d’être suffisante pour couvrir les pics de demande des consommateurs domestiques et des entreprises. Pire, le mauvais entretien des infrastructures électriques a prolongé les coupures de courant.
Dans le cadre d’une vaste campagne visant à remettre les choses sur les rails, la compagnie d’électricité du Ghana a débranché les ménages et les institutions qui n’ont pas payé leurs factures. En mars, l’électricité a été coupée au parlement ghanéen en raison d’une dette de 1,8 million de dollars. Le courant a été rétabli après le paiement d’une partie de la facture, ont rapporté plusieurs ghanéens.

C’est dans ce contexte que la société civile a exhorté l’Autorité du fleuve Volta (VRA) à cesser d’exporter de l’électricité vers les pays voisins et à donner la priorité à la satisfaction de la demande intérieure dans le contexte de la crise énergétique actuelle. Elle a souligné l’importance pour l’Autorité de régulation des services publics d’éviter d’imposer des tarifs d’électricité élevés aux ghanéens, en particulier pendant les périodes d’approvisionnement électrique instable. Pour la société civile « les ghanéens paient des tarifs très élevés, en moyenne 14 cents/kWh, en particulier aux heures de pointe, tandis que les pays voisins bénéficient d’environ la moitié des tarifs ».
Les pays voisins vers lesquels le Ghana exporte son électricité sont la Côte d’Ivoire, le Burkina-Faso, le Togo et le Bénin.

La solution viendrait-elle de la Côte d’Ivoire ?
Pour les adversaires de la transition qui se réjouissent que le nouveau Premier ministre, le général de division Abdoulaye MAÏGA, ait pris le dossier à bras-le-corps, il ne fait aucun doute : sans le rétablissement de la connexion avec le pays de Alassane Dramane OUATTARA nous resterons dans le noir.
«Maintenant les souverainistes seront obligés d’aller se mettre à genoux pour avoir du courant», disent les détracteurs de la transition.
A travers les narratifs des défenseurs de l’ordre ancien tapis sur les réseaux, on voit bien l’option ivoirienne brandie comme incontournable est beaucoup plus politique qu’économique.
Avec une puissance installée de près de 2 230 mégawatts, la Côte d’Ivoire couvre entièrement sa demande intérieure et dégage un excédent d’environ 10 % qu’elle exporte dans la sous-région.

Alors qu’en 2013, seuls 34 % de la population avait accès à l’électricité, la crise post-électorale ayant provoqué une chute de 40 %, près de 94 % des Ivoiriens sont aujourd’hui raccordés au réseau et les abonnés les plus précaires bénéficient d’un tarif social.
Le parc de production est constitué de sept (7) barrages hydroélectriques (Ayamé 1, Ayamé 2, Kossou, Taabo, Buyo, Fayé et Soubré), de cinq (5) centrales thermiques (Vridi 1, CIPREL, AZITO, AGGREKO et KARPOWER) et d’une (1) centrale solaire à Boundiali. La capacité de production en électricité est passée de 1 391 mégawatts (MW) en 2011 à 2 907 MW en 2023, soit une croissance 89,2% sur la période dont 879 MW pour les barrages hydroélectriques, 1 998 MW pour les centrales thermiques et 30 MW pour le solaire.
Par ailleurs, le renforcement des infrastructures de transport et de distribution a permis au secteur de disposer en 2023 de 28 016 km de lignes basse tension (BT), de 33 270 km de lignes moyenne tension (MT) et de 7 252 km de lignes haute tension (HT).

La production brute d’électricité connaît une hausse continue depuis 2018, passant de 7125 GWhs à 13 345 GWh en 2023. La production est principalement portée par les centrales thermiques (75,82%) et les centrales hydroélectriques (23,98%). La production de l’énergie solaire est quasi marginale à la fin de 2023. La première centrale solaire, d’une capacité de 37,5 MWc, a été mise en service en septembre 2023.
Mais l’affaire de courant n’est pas qu’une success story. En effet, depuis le 1er janvier 2024, le tarif de l’électricité en Côte d’Ivoire connaît une hausse de 10% pour tous les types d’abonnement.
La décision rendue publique par le ministre ivoirien en charge de l’Énergie, Mamadou Sangafowa COULIBALY s’applique à l’ensemble des abonnés à l’électricité et l’augmentation a fait passer officiellement le prix moyen de vente de 79 francs CFA/Kwh à 87 francs CFA/Kwh. Mais dans la pratique, les factures des ivoiriens ont été doublées voire triplées pour certains.
A combien, la Côte d’Ivoire, considérée par des partisans de la transition comme l’hôte des politiciens exilés, va-t-elle nous céder le courant pour que les factures des consommateurs maliennes ne prennent pas l’ascenseur comme au bord de la Lagune Ebrié ?
Affaire à suivre…

PAR SIKOU BAH

Source : Info Matin

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