Transition : l’ancien Premier ministre Moussa Mara fait des propositions

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Lors d’un point de presse tenue ce mercredi 8 janvier 2024, l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, un après son appel, a demandé solennellement au Chef de l’Etat de prendre la mesure de la situation du pays et d’instruire à son Gouvernement d’engager les actions pour une sortie de crise. Ci-dessous l’intégralité de son message liminaire.

Chers compatriotes,

Les défis auxquels le pays est confronté et qui nous menacent collectivement, demeurent, une année après mes alertes, encore plus vivaces aujourd’hui malheureusement. Cela confirme mes dires et mes craintes d’il y a un an.

J’ai rappelé en 2024 que le premier défi était celui de la paix au nord et ailleurs dans le pays. J’ai indiqué que l’occasion offerte par la perspective du dialogue inter maliens devait être saisie par tous pour co construire un processus de paix endogène et inclusif. Cela devait se baser sur la réalité que les armes seules ne feront jamais la paix. Malheureusement, ce qui s’est passé s’est révélé très éloigné de ce que j’ai préconisé. D’abord les autorités du pays ont clairement exclu du dialogue et les groupes armés rebelles et les groupes terroristes, pourtant les principaux belligérants des conflits qui ensanglantent notre pays. Le dialogue a ainsi été vidé de son sens avant même son démarrage. Le processus du dialogue a ensuite été orienté pour aboutir à des conclusions n’ayant aucun rapport avec l’idée originelle de cet exercice. On se demande ainsi comment nous pourrons parvenir à nous réconcilier et à construire la paix en l’absence de ceux qui se battent contre le pays. Pourtant, nos compatriotes ont toujours préconisé le dialogue avec eux, y compris pendant le dialogue inter maliens ! aujourd’hui, malgré des efforts et des succès réels de nos forces armées sur le terrain, de nombreuses régions du pays restent confrontées à des déplacements massifs de populations, des fermetures d’écoles et une absence de l’administration signe de la volatilité de la situation sécuritaire.

Le second défi, rappelais-je il y a un an, qui menace clairement la réussite de la transition est la pénurie d’énergie qui frappe notre pays. Pendant la période des chaleurs de l’année dernière, il y a eu des drames significatifs du fait de cette crise qui continue à impacter négativement l’économie et la société maliennes. Une année après, la même réalité s’impose à nous et malheureusement, nous ne voyons pas de perspectives d’amélioration malgré les volontés de la nouvelle équipe gouvernementale. Les suggestions que j’ai faites en termes de solutions d’urgence ou encore d’unités des forces vives autour des autorités dans la conduite des solutions de bon sens préconisées, ne semblent pas avoir les faveurs des autorités. Ce qui laisse présager des périodes difficiles à venir du fait de la crise énergétique. Là également, le pays reste empêtré dans cette crise aux conséquences socio-économiques sérieuses.

Les situations financières et économiques périlleuses du pays, se traduisant par des difficultés encore plus importantes pour l’Etat à faire face à ses engagements financiers constituent le troisième défi auquel le pays fait face.

Cela a contraint les autorités à s’endetter, dans des conditions difficiles, à hauteur de plusieurs centaines de milliards de FCFA en 2024. La dette envisagée pour 2025 (1480 milliards F CFA) sera plus élevée que celle souscrite en 2024 et malheureusement moins que pour 2026 (1758 milliards), embourbant littéralement le Mali dans la spirale de l’endettement et dans le risque réel de faillite financière à court terme. Nous n’arrivons plus à investir, construire des écoles, des routes ou des hôpitaux, l’essentiel de nos ressources vont dans les dépenses de fonctionnement et le remboursement toujours plus important de la dette. Ici ou là, on peine à payer les bourses ou les indemnités. Quelques fois ce sont les fournisseurs de l’Etat. Avec comme conséquence le ralentissement de l’économie et l’accroissement des difficultés quotidiennes de nos compatriotes.

Le quatrième défi soulevé en janvier 2024 concerne les restrictions et autres atteintes à la liberté d’opinion. J’indiquais qu’au moment où nous avons besoin de nous rassembler, on ne devrait pas dissoudre les partis, priver de leur liberté les voix dissonantes ou restreindre les espaces de débats et de contradiction. Malheureusement, en 2024, il y a eu la suspension des activités politiques, la détention d’acteurs politiques dont des anciens ministres, la poursuite des arrestations et jugements pour l’expression d’opinions ou encore des mesures de fermetures d’organes de presse. Là également, les actes déplorés dans mon appel se sont poursuivis et même intensifiés.

Enfin, j’ai souhaité que le défi du retour à l’ordre constitutionnel soit adressé de manière inclusive, en associant les acteurs politiques dans le cadre d’un partenariat autour de chacune des étapes clés. J’ai déploré l’absence de visibilité autour de cette question. Douze mois plus tard, force est de constater la même situation et la poursuite par les autorités d’initiatives unilatérales sans consultation des forces vives. L’exemple de la dernière modification de la loi électorale, adoptée par ordonnance nonobstant le souhait du CNT de jouer un rôle dans ce processus, illustre encore une fois ce qui a été déploré en 2024. Notre pays ne dispose toujours pas d’un chronogramme consensuel vers le retour à l’ordre constitutionnel bien que le budget de 2025 contienne des ressources pour la préparation des élections.

Tous les défis relevés en 2024 demeurent au moins encore plus vivaces que l’année dernière. Il n’est pas sûr que la résilience remarquable de nos compatriotes qui a permis au pays de tenir jusque-là, soit à toute épreuve et de manière irréversible. Nous devrions tous, avec nos autorités au premier rang, éviter de trop l’éprouver. Méfions-nous de l’eau qui dort !

Chers compatriotes,

D’autres questions lancinantes restent également d’actualité, notamment le déficit de transparence dans la gestion des affaires publiques, les risques pour l’environnement notamment à travers la recherche sauvage de minerai, la question de l’eau qui risque de ressembler à celle de l’énergie si rien n’est fait, mais également le prix des produits de première nécessité qui met une pression insoutenable sur le coût de la vie de nos compatriotes les plus modestes.

Je suis au regret de constater que nous n’avons toujours, en dépit des annonces faites çà et là, aucune visibilité sur la destination du bateau Mali.

Il est impératif pour chacun d’entre nous de faire ce qui est possible pour aider le pays à sortir de ses difficultés nombreuses. Cependant, les autorités ont la lourde charge de nous montrer la voie.

Je demande ainsi solennellement au Chef de l’Etat de prendre la mesure de la situation et d’instruire à son Gouvernement d’engager les actions requises. Cela nécessite la prise de mesures fortes permettant de répondre à chacun des défis évoqués en commençant par la reconnaissance de leur réalité.

J’en appelle enfin à tous les responsables politiques et de la société civile à s’inscrire dans la dynamique de la collaboration avec les autorités. Je leur demande de s’impliquer et de jouer pleinement leurs rôles dans la gestion de chacun de ces sujets de préoccupation pour le pays. Nous n’avons pas le droit de laisser la transition et le Mali s’enliser progressivement et se noyer. Nous en porterons tous la responsabilité devant l’histoire et devant nos compatriotes.

Bamako le 8 janvier 2025

Moussa MARA, Ancien Premier ministre

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Source: bamada